— Chapitre 3 —

Le chemin de la guerre

La feuille de route du capitaine Clifford prévoyait de rejoindre la Grande-Bretagne en traversant l’océan Pacifique, puis l’océan Atlantique. Selon ses prévisions, cependant soumises aux conditions climatiques et à la consommation de charbon à bord, le capitaine espérait rallier le port de Montevideo, en Uruguay, le 10 janvier 1916, pour une première escale. Celle-ci permettrait de remplir les cales de charbon pour la suite du voyage. Le Ruapehu traverserait alors l’Atlantique en direction des îles Canaries pour sa deuxième escale technique, prévue à Tenerife le 28 janvier. Il gagnerait enfin la Grande-Bretagne en longeant les côtes occidentales du Portugal et de la France.

Au départ des tunneliers, le gouvernement câbla au port de Montevideo une dépêche annonçant que plus de 440 soldats de Nouvelle-Zélande faisaient route à bord du Ruapehu et que leur trajet devait rester secret. Le bateau avait pris la direction du Cap Horn et voguait sur le Pacifique à une vitesse d’environ 14 nœuds nautique. Le quotidien des hommes s’organisa immédiatement après leur départ. Leurs officiers avaient réglé l’ensemble du voyage depuis le programme de la formation militaire jusqu’aux tâches d’entretien. Jim et ses compagnons n’allaient pas avoir le temps de s’ennuyer[1].

Pour Jim qui n’avait pas le pied marin, les trois premiers jours à bord furent un véritable calvaire. Pris par le mal de mer, le pauvre homme put néanmoins compter sur Lofty et d’autres camarades compatissant de son équipe pour prendre soin de lui[2]. Le sapeur n’avait pas d’autre alternative que de s’habituer aux conditions de vie en mer puisque le trajet allait durer 47 jours. Dans un état nauséeux, Jim tenta d’écouter l’explication des consignes de sécurité du navire. Il eut beaucoup de mal à suivre l’entraînement concernant l’usage du gilet de sauvetage et les mesures d’urgence. Heureusement pour lui, la formation fut régulièrement revue durant le voyage. Jim et Lofty furent confortablement installés dans les cabines à lits superposés de 3e classe, tandis que George et Gerald s’accommodèrent des nouveaux quartiers aménagés, à peine quelques jours plus tôt, le long du pont promenade. Le supérieur de Jim et Lofty, le sergent Clarke fut logé, comme les autres sergents, en 2e classe, tandis que le lieutenant Wigley, dirigeant l’équipe de George et Gerald, avait pris ses quartiers en 1re classe, comme tous les officiers. Si les toilettes du bateau étaient réservées aux officiers, des latrines avec chasse d’eau automatique, situées sur le pont arrière, étaient à disposition des autres grades. Au même endroit, plusieurs salles d’eau accueillaient les sapeurs au matin, de 5 heures 30 à 8 heures, et en fin d’après-midi, de 16 heures à 18 heures. Le reste de la journée, l’eau douce était coupée par souci d’économie. Un tunnelier était désigné chaque jour pour l’entretien des sanitaires. Une fois par semaine, les salles d’eau étaient réquisitionnées pour le lavage des vêtements en commençant par ceux des hommes de la 1re section le lundi. Lorsque le temps le permettait, le linge était étendu sur de longues cordes accrochées sur le pont, qui offraient alors un spectacle original de pantalons et de chemises flottant au vent.

Chaque matin, l’emploi du temps, géré par un officier et deux sous-officiers, était affiché à l’extérieur de la salle d’informations et de plaintes ainsi qu’à d’autres endroits stratégiques du bateau[3]. Toute ignorance du programme quotidien était sévèrement réprimandée. Les horaires de l’entraînement et des cours, ainsi que des autres activités devaient être scrupuleusement respectés. Seuls les dimanches, ainsi que Noël et Nouvel An, furent décrétés jours de repos. À mesure que le Ruapehu avançait vers l’est, l’heure devenait une notion abstraite. Elle était donc avancée et donnée chaque jour aux hommes pour information[4]. Des exercices de gymnastique étaient organisés tous les matins, après le petit déjeuner, pour garder la forme acquise à Avondale. L’espace confiné du navire ne favorisa pas les activités physiques, même si l’ordre serré fut poursuivi en petits groupes, tout comme les exercices au fusil. Les cours intellectuels et manuels occupèrent logiquement une place plus importante dans la formation des tunneliers. Ils furent instaurés à l’initiative du major Duigan, à qui fut confiée l’organisation de l’emploi du temps durant la longue traversée. Pour de nombreuses unités, le voyage fut une rupture entre deux périodes d’entraînement, celle effectuée en Nouvelle-Zélande et celle réalisée à l’arrivée en Grande-Bretagne, au cours de laquelle les hommes perdirent forme physique et discipline[5]. Les tunneliers ne vaquèrent pas à leurs propres occupations et furent pris en main par leurs officiers et sous-officiers dès le réveil et ce jusqu’au coucher. La discipline fut maintenue en réprimant les plus récalcitrants, ainsi qu’en rappelant les règles par le biais d’un cours de 15 minutes prodigué quotidiennement durant la première semaine à bord. Plus que le major Duigan, le capitaine Clifford, commandant du Ruapehu, avait toute autorité pour maintenir l’ordre et assurer la sécurité de son navire ainsi que de ses passagers. Il prit en main les tunneliers avec tact et compréhension, gagnant de leur part une véritable affection[6]. Le ton fut même à la plaisanterie. Clifford était très attaché à des poules embarquées sur le navire. Il parlait souvent de leur prouesse, se vantant qu’elles pondaient les meilleurs œufs. Des tunneliers malicieux mirent des œufs durs dans la cage et la fierté du capitaine Clifford, tout penaud, ne fut que de courte durée[7].

D’abord concentrés sur le rôle des hommes à bord, les cours se développèrent rapidement autour d’autres thèmes, allant de la stratégie militaire à l’histoire militaire. Dispensé par un officier, leur durée variait de 30 à 45 minutes. Aucun cours n’excédait une heure. Les officiers avaient compris qu’au-delà les hommes perdraient leur attention et deviendraient vite intenables. Les cours théoriques étaient toujours suivis d’une discussion autour du thème abordé. Officiers et sous-officiers devaient donner leur point de vue et alimenter le débat. Le but était d’éveiller la curiosité et l’esprit critique des hommes également conviés à la conversation, aussi pas question de s’assoupir ou d’être inattentif. Des devoirs écrits accompagnaient les différentes leçons, si bien que les hommes devaient travailler durant leurs temps de repos. Pour la première fois, depuis le début de leur entraînement à Avondale, des cours amorcèrent enfin une définition de leur rôle. Le major Duigan introduisit, le 20 décembre, l’importance de la mine dans une guerre de position en prenant l’exemple du siège de Port-Arthur, lors de la guerre russo-japonaise de 1904-1905[8]. Ne pouvant déloger les troupes russes, retranchées dans leur forteresse abritant la base navale du Pacifique, par des attaques terrestres, les Japonais commencèrent à la mi-novembre 1904 la construction de sapes, cette technique qui consistait à creuser une galerie vers un obstacle ennemi pour le renverser ou le détruire par l’explosion d’une mine. Leur adversaire ne se hasarda pas à la conception d’un système souterrain pensant que le sous-sol était trop dur pour être creusé. En six semaines, plus de 30 kilomètres de tunnels furent réalisés et les Japonais tirèrent une douzaine de mines. Par manque d’expérience, les contre-attaques souterraines russes eurent des résultats mitigés. Leurs différentes places tombèrent peu à peu aux mains des Japonais qui utilisèrent des charges d’explosif de plus en plus lourdes, passant de 900 kilogrammes au début de décembre 1904 à 5 000 kilogrammes à la fin du mois. Par bien des aspects, cet épisode détermina la stratégie des belligérants dans les tranchées du front occidental, à partir de la fin septembre et du début octobre 1914, aboutissant à la généralisation de la guerre des mines. La présentation de Duigan, bien que théorique, exposa le travail qui attendait les tunneliers en France. D’autres cours qui suivirent se concentrèrent sur la mine et l’installation des amorces, ces petites masses d’explosif dont la détonation enflammait la charge d’une mine. Le vocabulaire de base fut fourni et défini aux sapeurs. Loin de se cantonner à la guerre sous terre, ce fut tout le travail des soldats du génie qui fut présenté en détail : fortifications de campagne, installation de ponts et passerelles militaires ou encore travaux de démolitions. À défaut d’avoir pu commencer une instruction en lien avec leur activité souterraine en Nouvelle-Zélande, les officiers tentèrent d’éclaircir certains aspects du travail des tunneliers sur le front.

Au fur et à mesure que le Ruapehu naviguait vers les eaux du pôle Sud, la température baissait de plus en plus. Les pulls, gants et écharpes tricotés par les dames d’Auckland furent les bienvenus[9]. Le bateau était complètement isolé dans cette partie du monde. Aucun navire ne croisa sa route. La seule distraction fut l’apparition des premiers icebergs que Jim découvrit avec amusement[10]. Le Ruapehu resta toutefois éloigné des glaces dérivantes ainsi que des plus gros icebergs. Conséquence de sa route septentrionale, les nuits devinrent de plus en plus courtes. Jim, Lofty, George, Gerald et leurs compagnons célébrèrent Noël autour d’un dîner exceptionnel en plein milieu du Pacifique. À l’approche du nouvel An, le Ruapehu voguait en direction du cap Horn, point austral de l’Amérique du Sud, reconnu comme l’un des passages maritimes les plus dangereux au monde. Des vents extrêmement violents à l’intérieur des Cinquantièmes hurlants[11] rendaient les conditions de navigation difficiles, favorisant l’apparition de puissantes vagues. L’équipage qui redoutait ce passage, fut pourtant surpris par la facilité avec laquelle il navigua dans ces eaux, avec par chance un temps très beau[12]. Après avoir passé le cap Horn, le navire remonta vers le nord en longeant les côtes sud-américaines. En se rapprochant du port d’escale, une embarcation croisa la route du Ruapehu. Lofty qui fut l’un des premiers à la repérer, annonça rapidement sa découverte à Jim et aux autres membres de son équipe. Le groupe, immédiatement rejoint par d’autres tunneliers, se retrouva bientôt sur le pont poussant acclamations et cris en direction de la petite embarcation[13]. Le regain d’activités à mesure que le Ruapehu se rapprocha du port uruguayen, excitait les tunneliers. Leur navire y fit escale au matin du 8 janvier 1916 avec deux jours d’avance sur la date prévue.

Les tunneliers ne reçurent toutefois pas l’autorisation de descendre à terre. L’Uruguay était un territoire neutre. L’arrêt permit avant tout de remplir les réserves de charbon et d’eau douce. Des civils locaux purent monter à bord pour vendre quelques petits articles et souvenirs. Les cartes postales et les enveloppes furent les plus prisées. Ecrites rapidement, les lettres furent passées en douce aux civils pour les poster à terre. Elles évitaient ainsi le système de censure mis en place à bord depuis le départ d’Auckland[14]. Une garde, comprenant deux officiers, deux sergents, deux caporaux et 24 sapeurs, fut constituée pour surveiller le navire et prévenir toute tentative de sabotage[15]. Le travail de sentinelles était des plus importants. Quitter son poste était considéré comme un des crimes les plus graves du soldat, pouvant conduire à la cour martiale. La semaine précédente, le sapeur Young avait été lourdement réprimandé pour avoir déserté son poste. Dès le départ de Montevideo, les officiers décidèrent d’ajouter, au programme déjà établi, un cours quotidien sur les devoirs et l’attitude d’un garde ou d’une sentinelle.

Le 10 janvier, le Ruapehu reprit la mer en direction de Dakar, et non des îles Canaries comme cela avait été prévu. Tenerife fut probablement rejeté de sa route à cause du risque élevé que représentaient les navires allemands croisant dans cette zone. La traversée de l’Atlantique fut nettement moins monotone que celle du Pacifique et le navire se retrouva au milieu d’un trafic maritime important. Depuis le départ d’Auckland, le voyage était très agréable pour tous les hommes. La nourriture était abondante et bien cuisinée[16]. Le programme d’entraînement enchaînait les cours toute la journée. Au soir, de nombreuses activités culturelles étaient proposées. La compagnie possédait, d’après le sous-lieutenant Neill, de nombreux talents dont un poète qui ne manqua pas de composer de merveilleuses strophes récoltant de riches applaudissements[17]. Le temps libre permit d’organiser des jeux durant lesquels les compétiteurs étaient chaudement encouragés. Les hommes pouvaient également se rendre au magasin de bord où diverses fournitures et petites douceurs étaient à vendre[18]. Ils y trouvaient quelques denrées à grignoter comme des fruits, du chocolat ou des biscuits, mais aussi des ustensiles de toilette tels que des brosses à cheveux, des miroirs de poche, du savon ou des rasoirs, ou encore du tabac, des cigarettes et des cigares, des crayons, des cartes postales et des enveloppes, ainsi que des jeux de cartes. Si les autorités militaires avaient interdit d’embarquer des liqueurs, des spiritueux ou des alcools forts, autres que ceux utilisés pour la pharmacie, la bière fut néanmoins tolérée et mise en vente libre au magasin de bord.

Les hommes se lièrent d’amitié avec les membres de l’équipage qu’ils aidaient, à tour de rôle, en participant à quelques tâches courantes. La plus importante était le fonctionnement des machines. Une équipe d’une dizaine de sapeurs descendait chaque jour à la salle des chaudières pour assister l’équipage à l’entretien du feu et du charbon, alors que d’autres aidaient les cuisiniers à préparer les différents repas ou à faire la plonge[19]. Les tunneliers dressaient tous les jours la table du mess et une inspection était réalisée à 10 heures, par les officiers, pour vérifier l’état des couverts et des ustensiles de cuisine. Les marins les initièrent aux us de la vie maritime, comme le fameux jeu de paris, la Couronne et l’Encre. Jim y joua de temps en temps[20]. Un membre d’équipage, toujours prêt à s’amuser, installait alors un plateau sur lequel étaient représentés un as, un trèfle, un pique, un carreau, une couronne et une encre. Trois dés, qui portaient chacun ces six symboles, étaient ensuite lancés. Jim et les autres joueurs pariaient sur les faces qui seraient tirées. Cependant, le temps le plus fort entre l’équipage et les tunneliers resta la cérémonie du passage de l’équateur que le Ruapehu atteignit à la mi-janvier. Franchir cette ligne symbolique donnait lieu à un rituel immuable dans la marine pour les néophytes qui ne l’avaient jamais passé. Ce baptême n’a pas vraiment de programme établi, mais est mené par des membres de l’équipage, ayant déjà franchi l’équateur, et qui tenaient les rôles de Poséidon, dieu de la Mer, et de sa femme, Amphitrite, maîtresse des monstres marins. L’équipage du Ruapehu aménagea un bassin, à l’intérieur d’une immense bâche, alors qu’un plongeoir fut installé au-dessus. Le « baptistère » était en place sur le pont. L’eau fut puisée directement dans la mer. Chaque tunnelier reçut l’un après l’autre le baptême. Tous ne voulurent pas participer à ce rite, mais les membres de l’équipage, aidés de tunneliers, dont Jim, Lofty, George et Gerald, partirent à la recherche des réfractaires qui se cachaient à bord. Une liste avait ainsi été tenue pour éviter qu’aucun homme n’échappe malencontreusement à la cérémonie. Le groupe de Jim eut quelques difficultés à trouver le dernier sapeur qui refusait d’être plongé dans le baptistère. Encore plus dur fut de le ramener sur le pont tellement l’homme se débattait vivement. Le malheureux ne put rien faire lorsque ces camarades le recouvrirent de farine et d’autres mixtures spécialement préparées, avant de le jeter dans la piscine purificatrice. Certains tunneliers furent même déguisés en femme, portant robe et large chapeau au moment de sauter, preuve que la cérémonie n’avait rien de fortuite et fut attendue avec impatience par l’équipage. George sauta bien volontiers dans le baptistère et y barbota un petit moment, arrosant Gerald qui venait de le rejoindre et ceux qui attendaient encore leur tour à l’extérieur. Sous-officiers et officiers participèrent également à la cérémonie, gommant pour un temps la hiérarchie au sein de la compagnie.

À Dakar[21], le major Duigan obtint l’autorisation des autorités françaises de débarquer ses hommes pour une marche à travers la ville, à condition que la compagnie ne crée aucun incident. La joie fut facilement perceptible à travers les rangs des tunneliers de pouvoir enfin marcher au-delà du pont du Ruapehu. Les Néo-Zélandais attirèrent rapidement les regards de la ville entière. Quelques enfants coururent à leurs côtés, tandis que les colons semblèrent dédaigner leur apparition. À l’extérieur de la ville, les Néo-Zélandais croisèrent des recrues sénégalaises à l’entraînement. Intrigués par le défilé de la compagnie, les Sénégalais se rapprochèrent pour contempler le passage des soldats alliés, entonnant une vigoureuse « Marseillaise »[22]. Au moment de réembarquer sur le Ruapehu, quelques Néo-Zélandais divertirent les badauds rassemblés sur le quai en leur présentant un « haka », la danse guerrière traditionnelle maorie qui mêle gestuelle et chant[23]. Les tunneliers passèrent le reste de l’escale cantonnés à bord. Le capitaine Clifford attendait la fin de l’installation d’un canon naval de 120 mm, sur le pont de son bateau, pour lever l’encre. Cette pièce d’artillerie offrit un moyen de défense contre les sous-marins et les navires ennemis. Des artilleurs britanniques montèrent à bord pour gérer les tirs en cas de nécessité[24].

En quittant Dakar, le Ruapehu entra en zone de guerre. Désormais, l’équipage et tous les tunneliers furent en alerte ; les artilleurs aussi. Les Allemands avaient été repérés le long des côtes marocaines et portugaises. Ils avaient déjà capturé et coulé plusieurs navires alliés. La surface de l’océan fut méticuleusement scrutée pour tenter d’apercevoir un périscope qui trahirait la présence d’un sous-marin adverse, mais aussi la présence suspecte de mines ou de bateaux. L’ennemi n’hésitait pas à camoufler ses navires de guerre en simples bateaux de transport, dont la plupart déployaient des mines marines. Une nuit, Jim et Lofty furent réveillés par leur sergent. Un des membres de l’équipage semblait avoir distingué une mine flottant à proximité du navire. Le capitaine Clifford réagit immédiatement et envoya un signal de détresse. L’équipage était en alerte, suivi par les artilleurs et les tunneliers, tous prêts à quitter le bateau. Tout semblait pourtant calme. Après 30 longues et interminables minutes, un navire de guerre britannique surgit à proximité du Ruapehu, alors que la voix d’un Anglais se fit entendre à la radio de bord. Le capitaine Clifford répondit immédiatement que tout allait bien et qu’il s’agissait certainement d’une fausse alerte. Le navire de guerre repartit aussi silencieusement qu’il était venu[25]. Jim et Lofty furent soulagés, comme le reste des hommes, de savoir qu’ils n’étaient pas seuls en mer et qu’ils pouvaient compter sur la marine royale britannique. Surtout, ils savaient que le capitaine et ses marins veillaient sur eux. Les tunneliers furent néanmoins chanceux car le navire allemand Moewe était bien en opération dans le sillage du Ruapehu. Ce bateau de transport, reconverti en navire de guerre, captura le H.M.S. Appam, un bateau de la marine royale britannique, alors qu’il naviguait à quelques miles seulement de l’embarcation néo-zélandaise[26].

Notes

1. Imperial War Museum, Documents.11515, Les mémoires de la Première Guerre mondiale de James Williamson, 1re partie, f° 10, « La vie sur le bateau était très calme, mais pas monotone ».

2. Ibid., 1re partie, f° 10-11.

3. Archives de Nouvelle-Zélande, AD 1 Box 1073 39/188, Rapports de progression de la compagnie de tunneliers néo-zélandais. Emploi du temps, 1re partie, n°73, 18 décembre 1915.

4. Ibid., Emploi du temps, 1re partie, n°73 (suite), 18 décembre 1915.

5. Christopher Pugsley, On the Fringe of Hell, New Zealanders and Military Discipline in the First World War, Auckland, Hodder & Stoughton, 1991, p. 220.

6. James Campbell Neill, The New Zealand Tunnelling Company, 1915-1919, Auckland, Whitcombe & Tombs, 1922, p. 12.

7. Ibid.

8. Archives de Nouvelle-Zélande, AD 1 Box 1073 39/188, Rapports de progression…, op. cit., Rapports de voyage : les cours, f° 1.

9. James Campbell Neill, The New Zealand Tunnelling Company…, op. cit., p. 13.

10. Imperial War Museum, Documents.11515, Les mémoires de James Williamson…, op. cit., 1re partie, f° 11, « Nous faisions route vers le Sud et il faisait de plus en plus froid. Avons découvert des icebergs, seulement des petits. »

11. Cinquantièmes hurlants : nom donné aux latitudes situées entre le 50e et 60e parallèle dans la zone de l’océan Austral, où se trouve le cap Horn.

12. James Campbell Neill, The New Zealand Tunnelling Company…, op. cit., p. 13, « … le capitaine nous assura ne pas se rappeler avoir fait un meilleur passage durant toutes ses nombreuses années de marin. »

13. Imperial War Museum, Documents.11515, Les mémoires de James Williamson…, op. cit., 1re partie, f° 13.

14. Ibid., 1re partie, f° 12.

15. Archives de Nouvelle-Zélande, AD 1 Box 1073 39/188, Rapports de progression…, op. cit., Emploi du temps, 1re partie, n°93, 7 janvier 1916, « À partir de demain et jusqu’au départ de Montevideo, une garde […] sera organisée pour prévenir toute possibilité de sabotage du bateau de la part d’agents hostiles. »

16. Imperial War Museum, Documents.11515, Les mémoires de James Williamson…, op. cit., 1re partie, f° 10, « … la nourriture était de première classe ».

17. James Campbell Neill, The New Zealand Tunnelling Company…, op. cit., p. 13.

18. Archives de Nouvelle-Zélande, AD 1 Box 897 25/135, Disposition pour le transport du corps principal et du 1er renfort vers la Grande-Bretagne. Lettre du major W.L. Robinson à G.B. Bullock, 29 octobre 1915.

19. Archives de Nouvelle-Zélande, AD 1 Box 1073 39/188, Rapports de progression…, op. cit., Emploi du temps, 2e partie, n°65, 21 décembre 1915 et Emploi du temps, 1re partie, n°81, 26 décembre 1915.

20. Imperial War Museum, Documents.11515, Les mémoires de James Williamson…, op. cit., 1re partie, f° 11, « … il y avait toujours un plateau de la Couronne et l’Encre posé par un membre d’équipage. »

21. La date d’arrivée au Sénégal n’est indiquée dans aucun document d’archives, mais se situe certainement vers la fin de janvier 1916.

22. Imperial War Museum, Documents.11515, Les mémoires de James Williamson…, op. cit., 1re partie, f° 13.

23. Le haka est le nom donné aux danses guerrières maories. Celles-ci sont différentes selon les tribus, mais le rituel reste inchangé pour toutes les communautés qui l’exécutent avant de partir au combat. Le haka est censé appeler les dieux et les ancêtres pour venir aider les guerriers dans la bataille qui s’annonce. L’équipe de rugby néo-zélandais, les « All Blacks », le popularisa dès ses premiers matchs en Europe, en 1905.

24. James Campbell Neill, The New Zealand Tunnelling Company…, op. cit., p. 13.

25. Imperial War Museum, Documents.11515, Les mémoires de James Williamson…, op. cit., 1re partie, f° 14, « … il [le navire de guerre] se fondit dans l’obscurité aussi silencieusement qu’il était apparu. »

26. James Campbell Neill, The New Zealand Tunnelling Company…, op. cit., p. 15, « Si les Allemands avaient su que le Ruapehu, un bateau d’une plus grande importance, était si proche, cette histoire n’aurait jamais été écrite. »